L’homme avait longuement caressé son corps de ses mains chaudes enduites de vaseline, lui avait parlé tendrement, s’était inquiété de ses moindres défaillances.
Puis la blancheur laiteuse et pâteuse du plâtre l’avait peu à peu ensevelie. A présent, existait une épreuve de pierre, une absence réelle de ce corps chaud et palpitant, un objet sans vie creux, vide d’elle-même : une présence fictive. Des bourrelets de sa peau, des tensions de sa nuque, du velours de son ventre, de l’ombre de son pubis, de la lumière qui coulait entre ses doigts, de la mollesse de ses seins, de l’émail de ses dents, de la transparence de son cou, de l’odeur de sa sueur était né ce corps Autre. Un corps dans lequel il était impossible de se couler, un corps qui résistait à mon regard, un corps indestructible, imputrescible, impénétrable. Une opacité figurale qui, évidente et corrosive, attaquait le réel et le déchirait de son poids. Je l’attendais.
Elle s’assiéra en face de moi, croisant ses longues jambes de soie noire, se refusant, secouant sa mèche rebelle pour découvrir un regard des plus provocant. Je la veux tout de suite, debout, dehors. Je la prendrai sans ménagement, sans parole, sans séduction. J’exigerai d’elle qu’elle découvre entre ses cuisses ce sexe chaud et brûlant qu’à genoux je lécherai en tout sens. Je m’y enfouirai. Elle entrouvrira ses lèvres, laissant échapper une respiration rythmée et rauque, je la forcerai à s’accroupir, pénétrant en elle violemment. Je la veux là, ivre de douleur et de moi. A l’heure du digestif, dans la salle à manger enfumée qui se rétrécit, le bruit des voix s’amplifie jusqu’à devenir cinglant, tout s’accélère brusquement : les gestes et les paroles s’emballent. Elle entre. Je suis ivre, je bande, je crois.
Evelyne ARTAUD, Montreuil, janvier 1987