L’homme est ce que son corps montre

Le sculpteur Gérard Bignolais n’a qu’une obsession depuis des années : représenter l’humain. Avec un réalisme insoutenable de simplicité et par le moyen de moulage et de l’empreinte sur vivant il montre des corps nus souffrants, malades, voire androgynes, des corps de parturientes et leurs mystères à jamais refermés. Des femmes nues, abandonnées dans le sommeil et quoiqu’offertes dans une totale impudeur jamais obscènes. D’où vient alors que simplement les regarder nous serait comme une menace ?

Réalisées en pierres reconstituées ou bien en grès qu’en ce ne sont que des visages, ces figures grandeur nature montrent de la part de l’artiste Ia quête quasi désespérée de l’homme dans sa seule vérité, sa seule réalité : le désir à jamais inassouvi de Ia chair, son poids alangui et sensuel.

Chez Bignolais, il n’y a pas de sacré, pas de chute de l’ange, pas d’éternité, juste un passage. L’homme est ce que son corps montre, ce qu’on en voit, rien de plus, rien de moins. Pensée insupportable et solitude terrible.

Pourtant à force de travailler les variations de cette seule matérialité, c’est comme si quelque chose se mettait à bouger. Comme si dans ces visages immobiles, endormis, tous semblables, un frémissement s’amorçait. L’utilisation du grès et de ses différentes couleurs et textures d’engobe n’est pas gratuite. Il permet, l’ayant saisi, de le fixer. Une vie intérieure s’annonce, un secret né des profondeurs de la chair s’anime, prend force d’âme.

Carole Andréani, 1991

Texts

Désir

L’homme avait longuement caressé son corps de ses mains chaudes enduites de vaseline, lui avait parlé tendrement, s’était inquiété de ses moindres défaillances. Puis la blancheur laiteuse et pâteuse du plâtre l’avait peu à peu ensevelie. A présent, existait une...

Gérard Bignolais : le corps dans tous ses états

L'œuvre de Gérard Bignolais pose au plus haut degré de raffinement psychologique le problème de la pratique du moulage en sculpture. Une pratique courante, à laquelle ont recours de nombreux artistes contemporains de diverses tendances esthétiques, mais qu'il a su...

Une géographie douloureuse du corps

Lorsque Khnoum, le divin potier, eut terminé son ouvrage de terre glaise, il essuya ses cornes et se recula un instant pour contempler son œuvre : sur son tour cosmique et dans le néant, brillait encore humide, un Œuf. C'était un bel œuf. Un bel œuf qui contenait,...

La Venus de Gérard Bignolais

Cinq femmes de chair, cinq femmes de pierre, de leurs yeux clos - sauf une, ironique, qui sourit - nous regardent en se regardant. Précision des moulages à l'enveloppement étroit, elles n'existent comme doubles que par le travail du sculpteur. Ici aussi la réalité...

Bignolais, l’autre corps

La pratique du moulage en sculpture est souvent sujette à polémique dans l'art actuel. Ses détracteurs reprochent notamment à celui qui l'emploie de ne pas faire œuvre de création. Ils dévalorisent ainsi à la fois l'œuvre achevée et le travail du sculpteur. Pourtant,...

De l’incompréhensible

La sculpture de Gérard Bignolais a besoin de modèles. Mais les modèles ont-ils besoin du sculpteur ? Les raisons et les sous-raisons, qui suscitent cet art de la statuaire encore représentative du corps humain, chez Gérard Bignolais et quelques autres dans notre...

L’empreinte Bignolais

J'aime ça. Ça qui fait qu'on ne tombe sur un os que pour lui rendre sa chair. Il n'y a pas plus charnu que l'os sur lequel tombe Bignolais. Le véritable artiste est celui qui ronge l'os au fur et à mesure qu'il le fait disparaître sous la chair. Être affamé de cette...

L’humanité à trois temps de Gérard Bignolais

Gérard Bignolais est un ravisseur de peau. Sourcier de la féminité, alchimiste du corps dont il entend ravir le mystère, il pratique l'empreinte corporelle sur le modèle nu. Les attitudes, les gestes, les expressions sont figés, arrêtés dans un temps impudique qui dit...