Le sculpteur Gérard Bignolais n’a qu’une obsession depuis des années : représenter l’humain. Avec un réalisme insoutenable de simplicité et par le moyen de moulage et de l’empreinte sur vivant il montre des corps nus souffrants, malades, voire androgynes, des corps de parturientes et leurs mystères à jamais refermés. Des femmes nues, abandonnées dans le sommeil et quoiqu’offertes dans une totale impudeur jamais obscènes. D’où vient alors que simplement les regarder nous serait comme une menace ?
Réalisées en pierres reconstituées ou bien en grès qu’en ce ne sont que des visages, ces figures grandeur nature montrent de la part de l’artiste Ia quête quasi désespérée de l’homme dans sa seule vérité, sa seule réalité : le désir à jamais inassouvi de Ia chair, son poids alangui et sensuel.
Chez Bignolais, il n’y a pas de sacré, pas de chute de l’ange, pas d’éternité, juste un passage. L’homme est ce que son corps montre, ce qu’on en voit, rien de plus, rien de moins. Pensée insupportable et solitude terrible.
Pourtant à force de travailler les variations de cette seule matérialité, c’est comme si quelque chose se mettait à bouger. Comme si dans ces visages immobiles, endormis, tous semblables, un frémissement s’amorçait. L’utilisation du grès et de ses différentes couleurs et textures d’engobe n’est pas gratuite. Il permet, l’ayant saisi, de le fixer. Une vie intérieure s’annonce, un secret né des profondeurs de la chair s’anime, prend force d’âme.
Carole Andréani, 1991