du sculpteur Gérard BIGNOLAIS…
J’ai besoin de me révéler à travers mon travail mais de révéler l’autre également.
J’ai adopté l’empreinte corporelle comme base de mon travail de sculpteur depuis plus de vingt ans.
mes premières pièces, des gisants décapités et mutilés, pour lesquelles j’étais moi-même le modèle, étaient réalisées avec du plâtre libre pour les négatifs, les positifs étant en pierre recomposée. Ils m’ont ouvert la voie vers une recherche jamais abandonnée depuis.
Plus tard pour des bustes et des torses j’ai remplacé la pierre recomposée par de la terre cuite à très haute température. Cela m’a permis la réalisation, en 1994, d’une première pièce figurant un homme assis, en vraie grandeur et d’un seul tenant.
C’est cette voie que je développe depuis avec une préférence pour des postures debout sans socle, ce qui me permet de réaliser des installations, où un dialogue s’instaure entre sculptures et lieux. L’empreinte corporelle est toujours un moment fort de la création : – c’est le temps de la confrontation au réel, à la réalité du corps de l’autre, – c’est aussi celui de l’émergence du désir et de sa symbolisation. (…)
du modèle…
Le modèle m’est apparu, dès 1980, comme devant nécessairement être associé au projet de sculpture. Le respect qu’il m’inspire, voire la tendresse que j’ai pour lui, exclut qu’il ne soit pour moi qu’un instrument, qu’une contrainte nécessaire. J’ai ainsi ouvert de plus en plus largement mon travail à sa participation.
Mes modèles sont toujours volontaires en toute connaissance de ce que je souhaite dire de leur fragilité, de leurs souffrances et donc des signes que je dois inscrire sur la représentation de leur corps.
J’ai compris aussi que leurs motivations personnelles à être modèle étaient souvent complexes et difficiles pour eux à formuler. J’ai respecté leur silence.
Les modèles sont généralement non professionnels. Il ne leur est pas proposé de rémunération, l’expérience de l’empreinte doit, seule, être gratifiante. (…)
Le modèle est privilégié et pourrait prendre le pas sur le sculpteur. Mais pour éviter des déséquilibres relationnels irrattrapables, une décision d’empreinte et sa réalisation sont conditionnées à un entretien préalable, où modèle et sculpteur s’expriment et élaborent en commun un projet. Et ce n’est que par défaut de proposition du modèle que mes intentions prévalent. Même s’il doit connaître des transformations dans sa représentation sculpturale, c’est toujours le corps du modèle qui est au centre du travail.
Le vécu de l’individu modèle, dans la technique du plâtre libre, provoque l’abandon de toute tentation de discours stéréotypé : les expressions des visages sont naturelles et en relation avec l’émotion ressentie dans les derniers moments de l’empreinte.
Avec la prise d’empreinte on quitte continuellement les idées admises concernant le modèle. Il est, de fait, un partenaire à part entière et un des pôles majeurs d’une situation, où se règlent d’autres questions qui échappent à la fabrication de la peinture ou de la sculpture. Je pense qu’un peintre de nu ne va pas avoir les mêmes préoccupations que moi dans ma démarche; il ne parlera jamais du rôle, d’un rôle du modèle qui pourrait dépasser le sien à certains niveaux, à certains moments, avec les risques et les avantages possibles. (…)
du corps…
Est-ce qu’on a vraiment montré le corps tel qu’il est, jusqu’à présent en sculpture ? La façon de se porter, de se tenir
Notre corps a un volume qu’on a du mal à apprécier. C’est une surprise de le rencontrer. (…)
Extraits de : GERARD BIGNOLAIS, les carnets d’atelier n° 8